Le vent de l'Histoire

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Débat sur la lettre de Guy Moquet ! (4. Histoire contemporaine)


 


 Guy Môquet : vrai héros de la résistance à l’oppression nazie ?
Il faut d’abord rappeler le contexte de l’époque et les années qui précèdent l’entrée de la France dans la seconde guerre mondiale :
Hitler est choisi comme chancelier en 1933. Profitant de la focalisation franco-anglaise sur L’Ethiopie, Hitler fit pénétrer ses troupes en Rhénanie, toujours démilitarisé, en mars 1936. C’était un pari osé car l’armée allemande n’était pas encore prête à soutenir une guerre, mais le bluff porta ses fruits, et la confiance d’Hitler se trouva renforcé. Peu de temps après a lieu la guerre civile d’Espagne ou Hitler soutien les manœuvres de Franco. En URSS commence les purges de Staline parmi les cadres militaires suite à l’assassinat du secrétaire du parti communiste régional de Leningrad : Sergueï Kirov.
Du côté allemand, la Wehrmacht continuait son expansion. La première cible d’Hitler fut l’Autriche, voulant concrétiser son rêve de grande Allemagne. Les idées bénéficiaient d’une forte audience en Autriche. L’Anschluss fut réalisée en mars 1938. Hitler tourne ensuite son regard vers la Tchécoslovaquie, en particulier vers les Sudètes. De peur d’une guerre généralisée, Chamberlain, le premier ministre anglais, mis en place un compromis ou la France et la Tchécoslovaquie durent accepter l’annexion des Sudètes le 1er octobre 1938. Les accords de Munich signés les 29 et 30 septembre 1938 limitaient les ambitions territoriales d’Hitler aux seules Sudètes et entérinait la mort de l’indépendance de la Tchécoslovaquie. Hitler demanda à la Pologne l’annexion du port de Dantzig et la possibilité de faire traverser des lignes ferroviaires en Pologne jusqu’en Prusse orientale. La Pologne refusa. Hitler était disposé à patienter un peu surtout avec les mouvements d’indépendance de la Ruthénie et de la Slovaquie qu’il appuyait. En mars 1939, les troupes nazies pénètrent en Bohème et en Moravie, une partie de la Slovaquie est annexée par la Hongrie tandis que la Ruthénie déclare son indépendance. Hitler enfreint les accords de Munich. Le 23 mars 1939, les troupes allemandes entrent dans le territoire de Memel, à la frontière de la Pologne et de la Lituanie. La France et la GB se réveillent et annonce leur soutien à la Pologne. Au même moment, Ils doivent faire face à l’envoi de troupes italiennes par Mussolini en Albanie. Le président des E-U Roosevelt cherche à obtenir d’Hitler et de Mussolini qu’ils n’agressent pas d’autres nations européennes. C’est un échec. En mai 1939, l’Allemagne et l’Italie signent le pacte d’Acier qui assure les deux pays d’un appui mutuel dans toute guerre à venir. En avril 1939, un mois avant, l’URSS a proposé à la France et à la GB une alliance, mais les négociations sont bouchées par la Pologne qui ne veut pas de troupes russes sur son territoire. Le 23 aout, les ministres des affaires étrangères Molotov et Ribbentrop signent un pacte de non agression, prenant par surprise la France et la GB, ainsi que le reste du monde. Elle est née d’une proposition à Staline de lui remettre la moitié orientale de la Pologne après sa conquête. L’attaque par Hitler devait avoir lieu le 26 aout, tôt le matin. Finalement elle est repoussée le 1er septembre. Les armées allemandes déferlent sur la Pologne pendant que la luftwaffe bombarde Varsovie. Le 2 septembre c’est la mobilisation générale en France et en GB.
En juin 1940, c’est la débâcle de l’armée française, l’appel du 18 juin par le Général De Gaulle et la mise en place du gouvernement de Vichy.
A l’époque, le parti communiste français ne suit pas l’appel à la résistance du Général De Gaulle, il continue de dénoncer dans ses tracts, la misère populaire, de traiter les grands patrons d’impérialistes juifs : Schneider, Michelin, Mercier … La revendication anti-nazie n’est pas la priorité du PCF. D’ailleurs, ce n’est qu’en juin 1941 que le PCF rejoint la résistance, suite à l’agression de l’URSS par l’Allemagne nazie, rompant le pacte germano-soviétique. Guy Môquet est né le 26 avril 1924 à Paris, fils d’un syndicaliste cheminot député communiste du 17ème arrondissement de Paris. Son père est arrêté le 10 octobre 1939, donc peu après la déclaration de guerre. Il est déchu de son mandat de député en février 1940, puis il est déporté dans l’un des camps de concentration français en Algérie. De nombreux militants communistes, dont le père de Guy Môquet, sont arrêtés par la police française sous l’accusation de démoraliser l’armée, voire de sabotage.
C’est dans cet état d’esprit que le jeune Guy Môquet milite au sein des jeunesses communistes et qu’il est arrêté le 15 octobre 1940 à la Gare de l’Est à Paris par trois policiers en application du décret Daladier du 26 septembre 1939 interdisant la propagande communiste. Il sera interné à la prison de Fresnes puis transféré au camp de Châteaubriant en Loire Atlantique. Il écrit alors sa dernière lettre.
Après la mort d’un commandant allemand, Karl Hotz, le 20 octobre 1940, fusillé par trois militants communistes, le commandement allemand décide de fusiller 27 otages français dont Guy Môquet, en représailles. C’est ainsi qu’est mort Guy Môquet le 22 octobre 1940 à l’âge de 17 ans.
Voici sa dernière lettre que Nicolas Sarkozy a demandé de lire dans tous les lycées et qui a suscité une si grande polémique.
 
 

Ma petite maman chérie,
mon tout petit frère adoré,
mon petit papa aimé,


Je vais mourir ! Ce que je vous demande, toi, en particulier ma petite maman, c'est d'être courageuse. Je le suis et je veux l'être autant que ceux qui sont passés avant moi.

Certes, j'aurai voulu vivre. Mais ce que je souhaite de tout mon coeur, c'est que ma mort serve à quelque chose. Je n'ai pas eu le temps d'embrasser Jean. J'ai embrassé mes deux frères Roger et Rino (1). Quant au véritable je ne peux le faire hélas !

J'espère que toutes mes affaires te seront renvoyées, elles pourront servir à Serge, qui je l'escompte sera fier de les porter un jour.

A toi, petit Papa, si je t'ai fait, ainsi qu'à petite Maman, bien des peines, je te salue une dernière fois. Sache que j'ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m'as tracée. Un dernier adieu à tous mes amis et à mon frère que j'aime beaucoup. Qu'il étudie bien pour être plus tard un homme.

17 ans et demi ! Ma vie a été courte ! Je n'ai aucun regret, si ce n'est de vous quitter tous. Je vais mourir avec Tintin, Michels (2).

Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c'est d'être courageuse et de surmonter ta peine. Je ne peux pas en mettre davantage. Je vous quitte tous, toutes, toi Maman, Serge, Papa, je vous embrasse de tout mon coeur d'enfant.

Courage !

Votre Guy qui vous aime



(1) Roger et Rino sont des "frères" de combat militant.
(2) Tintin désigne Jean-Pierre Timbaud. Michels, c'est Charles Michels, tous deux seront exécutés avec Guy
 
 
La lettre de Guy Môquet exprime des valeurs fortes, de courage, d’amour vis-à-vis de sa famille, de ses amis, du travail par rapport à son frère. Et surtout, il demande qu’on se souvienne. Il rappelle très fortement ce dévoir de mémoire. Toutes ces valeurs ne sont pas loin du « Travail – Famille – Patrie » du gouvernement de Vichy. Il faut se remettre dans le contexte de l’époque quand Guy Môquet a écrit cette lettre. Au-delà du devoir de mémoire, il en est du devoir de l’histoire d’exploiter les sources et au besoin de les critiquer, de les replacer dans le contexte. Il ne faut pas tout accepter comme idée reçue mais se construire une argumentation empirique.
Alors plusieurs questions se posent : Doit-on lire la lettre de Guy Môquet en classe et dans ce cas là sur quels principe faut-il mettre l’accent : celui d’un pseudo résistant, qui au moment de son arrestation distribuait des tracs de propagande communiste sur l’abolition de la misère, et qui a été fusillé non pas parce qu’il était résistant, mais parce qu’il était communiste. Le gouvernement a raison sur une chose, c’est qu’il est important de remettre à la lumière la résistance sous l’occupation, encore faut-il ne pas se tromper de personne. On peut aussi lire la lettre différemment et la lire comme un symbole de paix et d’amour, et contre toute forme de guerre en général, et d’éviter d’aller au devant de la mort. Un enfant, un de plus, a été victime le 22 octobre 1940 de la folie des hommes.